Cette session inaugure le grand débat que l’Université du Bien Commun à Paris vous propose de mettre en chantier, afin de progresser ensemble sur cette question du statut des biens communs au regard de notre Constitution, enjeu décisif pour le devenir de l’humanité.
Les intervenant.e.s
Marie Cornu est juriste à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP) et directrice de recherche au CNRS, spécialiste du droit du patrimoine et des biens culturels, co-auteure avec Judith Rochfeld et Fabienne Orsi du Dictionnaire des biens communs (PUF- 2017). Elle est également membre de la commission nationale française pour l’UNESCO. Autrice, entre autres, Dictionnaire comparé du droit d’auteur et du copyright (avec I. de Lamberterie, P. Sirinelli, C. Wallaert), CNRS, 2003, elle a récemment travaillé sur le projet de recherche-action : L’échelle de communalité. Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, dont elle nous parlera.
Laurent Fonbaustier est Professeur agrégé des facultés de droit, actuellement en poste à l’Université Paris-Saclay. Spécialiste d’histoire des idées politiques, il a participé à la constitutionnalisation du droit de l’environnement (à l’occasion d’un bref passage comme Chargé de mission pour la Charte de l’environnement auprès du Ministère de l’Écologie en 2004). Ancien membre de la commission Environnement du Club des juristes, il est également codirecteur du Master, spécialité Droit de l’environnement à l’Université Paris-Saclay, membres de différents comités scientifiques liés à l’environnement et responsable de diverses chroniques dans des revues juridiques spécialisées. Il dirige depuis mai 2016 la collection Droit, science & environnement aux éditions Mare & Martin. Son dernier ouvrage, Environnement, a paru dans la collection Le mot est faible, des éditions Anamosa, en janvier 2023.
Yovan Gilles, outre une activité artistique scénique polyvalente, la rédaction de nombreux articles et la coordination d’ouvrages collectifs, a participé dès 1997 à l’organisation des premiers forums sociaux mondiaux préfigurant l’alter mondialisme. Durant les vingt dernières années, il est engagé dans une activité évènementielle pluridisciplinaire, éditoriale et multi-support avec la revue Les périphériques vous parlent (co-rédacteur en chef) dans le champ de l’expression de la citoyenneté à travers différentes dynamiques : collectif Travail & démocratie, lutte contre les discriminations (pédagogue et formateur), Université du Bien Commun à Paris, valorisation des pratiques culturelles ultramarines, promotion des vins vivants, prévention des risques toxiques, santé environnementale, lancement d’alerte… Il a publié en 2022 l’ouvrage Travail et réalisation de soi – La condition œuvrière (Éditions Libre & Solidaire).
Présentation
Biens communs et communs sont deux faces distinctes et complémentaires d’une même ambition de transformation profonde de nos sociétés et de l’imaginaire social.
Le flou sur le statut des biens communs et communs en France ne permet guère encore de les référer, en l’état, à une catégorie juridique spécifique et/ou constitutionnelle à quelque titre que ce soit, comme cela est pourtant déjà le cas en Italie, Bolivie, Equateur*,Colombie, Nouvelle-Zélande, Slovénie…
Or, il est à noter que, ces dernières années, plusieurs tentatives émanant de parlementaires, de sensibilités politiques allant du centre droit à la gauche, épaulés parfois par des personnalités du monde scientifique, intellectuel ou encore des spécialistes en droit public, ont proposé plusieurs projets de loi pour inscrire les biens communs dans la constitution et les doter d’un statut juridique. Depuis 2018, ces tentatives n’ont pas abouti, le plus souvent en raison d’objections émises par la commission des Lois de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais non pas sur le principe, loin de là. Il ressort surtout que la caractérisation des champs d’application des biens communs et communs est épineuse et que les conséquences de possibles litiges et vices de forme au regard du droit public et privé le sont tout autant.
Ces échecs relatifs illustrent, en premier lieu, la difficulté à définir et à cerner la notion même de bien commun (au singulier comme au pluriel). En effet, elle peut envelopper des domaines liés à l’environnement – climat, eau, forêts, biodiversité -, tout autant que des services publics – perçus comme dégradés par la financiarisation de l’économie – : santé, transports, énergie, éducation ; voire, dans le cadre de l’agriculture, la guerre de l’eau ou encore la libre circulation des semences natives reproductibles face à leur préemption par les semenciers industriels.
À ces obstacles s’ajoutent la confusion et l’amalgame entre bien public et bien commun, mais aussi des craintes quant à d’éventuelles atteintes au droit de propriété, à celui des sociétés et des affaires pour des entreprises se sentant déjà affectées par le devoir de vigilance environnementale.
Cependant, et pour ne s’en tenir qu’à la France, les antécédents historiques font paradoxalement de notre réflexion un objet à la fois utopique, réaliste, mais d’une complexité redoutable.
Du droit coutumier du Haut au Bas Moyen âge jusqu’à notre droit constitutionnel contemporain, il y a eu déjà bien des jalons, en la matière. La loi du 19 avril 1803 établit dans le Code civil, en son article 714, toujours en vigueur, qu’ « il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous… ». Le code civil napoléonien de 1804 définit, quant à lui, les biens communaux comme « ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs communes ont un droit acquis. »
Plus récemment, la décision du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2021, portant sur l’interdiction d’exportation faite aux producteurs de pesticides, reconnaît expressément que « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle », préparant le terrain à la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement de 2005 et permettant une nouvelle dynamique jurisprudentielle, sans être pour autant une panacée.
Dans le même temps, nous avons assisté en 2023 à l’adoption d’un traité international de protection de l’océan (haute mer) comme bien commun, mais en décembre 2021, à l’inverse, l’eau, pour la première fois dans l’histoire, faisait son entrée en bourse à Chicago, à l’initiativede BlackRock, une multinationale spécialisée dans la gestion d’actifs.
Indépendamment de ces enjeux et horizons institutionnels, il n’en demeure pas moins, bien sûr, que l’engagement de multiples collectifs auto-organisés, à l’échelle planétaire, en faveur des biens communs et des communs, prend de plus en plus d’ampleur, du fait de leur importance politique, sociale et écologique, ainsi que de leur rôle de laboratoires de gouvernance citoyenne et démocratique. Se situant en dehors du clivage public/privé, état/marché, les initiatives qu’ils développent opèrent à des échelles diverses:municipale,l ocale et territoriale, notamment avec les communs urbains et péri-urbains, nationale et mondiale, pour les biens communs naturels et les biens communs publics mondiaux tels que la connaissance ou la santé à l’ère du numérique.
Cette session inaugure le grand débat que l’Université du bien commun à Paris vous propose de mettre en chantier, afin de progresser ensemble sur cette question du statut des biens communs au regard de notre Constitution, enjeu décisif pour le devenir de l’humanité.
*« La nature ou Pachamama, où la vie est reproduite et existe, a le droit au respect intégral de son existence, du maintien et de la régénération de ses cycles vitaux, de sa structure, de ses fonctions et de ses processus évolutifs. » Voilà ce qu’indique la Constitution de l’Équateur (2008), premier pays à introduire un droit de la nature à exister par et pour elle-même. Les implications d’un tel droit vont bien au-delà d’un droit à un environnement sain, et ses impératifs de conservation et de protection d’une nature au bénéfice des êtres humains et de la richesse qu’il peut en tirer.
https://www.universitebiencommun.org/
Les enregistrements sonores et vidéo des sessions de l’Université du bien commun à Paris sont diffusés sur le site internet de l’Université et font l’objet d’émissions sur Radio Fréquence Paris Plurielle
L’UNIVERSITÉ DU BIEN COMMUN À PARIS
Identifier, faire connaître et reconnaître les biens communs comme des spécificités démocratiques, écologiques, économiques et juridiques.
Initiée en 2017 par Riccardo Petrella, Frédéric de Beauvoir et Cristina Bertelli – avec Yovan Gilles et la revue Les périphériques vous parlent -, rejoints par les membres fondateurs, l’Université du bien commun à Paris est dirigée par un comité de pilotage qui oriente et organise les activités.
Des intervenant.e.s, sympathisant.e.s et collaborateur.rice.s, un réseau de chercheur·e·s, spécialistes, juristes, praticiens de la biodiversité, des militant·e·s associatifs, des parlementaires et des collectifs de citoyens permettent d’affirmer son rôle d’Université, populaire et collégiale, de développer et de renouveler ses interventions, de suivre les évolutions concernant les biens communs en France et dans le monde.
🥗☕️🍻 La Buvette de l’Académie est ouverte du mercredi au samedi de 11h à minuit !
Au déjeuner, venez déguster des plats végétariens, de saison et ultra locaux cuisinés par Yes We Camp. Au goûter, des gâteaux et pâtisseries et en soirée des petits plats à partager. À toute heure, bières, vins, boissons chaudes et fraîches !