Par Mathilde Boucher
Ce mardi à Glasgow, la question de la corrélation entre le genre et le climat est au centre des débats. L’écoféminisme, terme existant depuis les années 70, émerge progressivement au sein de la société et soulève de nombreux enjeux.
Parmi les nombreux visages de la lutte contre le réchauffement climatique, les plus emblématiques sont féminins. Greta Thunberg, Anuna De Wever, Adelaïde Charlier, Vandana Shiva, Vanessa Nakate… toutes ont réussi à rassembler dans leur sillon, militantes et militants écologistes. Si le pouvoir représentatif féminin semble être performant, il n’en n’est pas de même de son pouvoir décisionnaire. Des rapports de l’United Nations Climate Change (UNCC) publiés en octobre montrent que les hommes sont encore surreprésentés dans les groupes de décisions de la COP26. « Les femmes déléguées du gouvernement occupent, en moyenne, 33% de tous les postes des corps constitués en 2021. Cela était aussi le cas en 2020 et 2019”. Pourquoi les femmes sont-elles toujours dans l’ombre de ceux qui décident ?
Les femmes participent moins au processus décisionnel alors qu’elles sont les plus impactées…
De nombreuses inégalités de genre régissent la société actuelle. Elles sont notamment le résultat d’une construction sociale et culturelle, de stéréotypes et de rôles spécifiques attribués selon le sexe. En découle un accès réduit au pouvoir, à l’espace public, au travail, aux ressources et aux responsabilités. En résumé, les différents droits inaliénables des femmes sont altérés. Ce schéma sociétal discriminatoire peut également s’appliquer à l’écosystème décisionnel environnemental. “33% de femmes enregistrées à la COP 26, ce chiffre dénote une absence de progrès significatif en matière de représentation féminine au sein des corps constitués », explique le secrétariat pour le changement climatique des Nations-Unies.
Et quand bien même chaque sexe est présent à égalité dans certaines délégations, ce sont les hommes qui décident et qui prennent davantage la parole. « Les femmes se trouvent souvent dans des postes qui n’ont pas beaucoup d’influence. Elles n’ont donc pas vraiment la possibilité de participer à la vie politique et on rate une certaine perspective dans les décisions, notamment en termes d’inégalités basées sur le genre. » affirme Alba Saray Pérez Teràn, chargée de plaidoyer climat chez Oxfam.
Aujourd’hui, il est possible d’affirmer que le changement climatique n’est pas « neutre » du point de vue du genre. Les femmes sont les premières touchées par les effets du changement climatique. Dans l’hémisphère sud d’abord. « Dans les pays africains, la plupart des personnes qui travaillent dans l’agriculture sont des femmes. En cas de changement climatique, leurs revenus sont impactés plus rapidement entraînant une baisse du pouvoir d’achat les empêchant d’avoir accès à certaines ressources alimentaires. Par manque d’argent, beaucoup se tournent alors vers la prostitution” explique Alba Saray Pérez Teràn.
L’écoféminisme, un mouvement avant-gardiste ?
Cette corrélation entre la question climatique – et plus largement, environnementale – et le féminisme, est une vision qui existe depuis les années 70. Ce concept appelé écoféminisme, est défini par ses partisantes comme étant “la conviction qu’il existe des liens indissociables entre la crise écologique et le patriarcat”. Selon les écoféministes, l’exploitation de la nature et la domination masculine ont de profondes racines communes, et mettent en œuvre des mécanismes analogues (objectivation, dévaluation, violence…).
La lutte pour les droits des femmes est alors reliée à celle pour la défense de la nature. Maria Mies et Vandana Shiva – qui ont théorisé l’écoféminisme – soutiennent qu’un lien idéologique et biologique unit femme et nature, expliquant ainsi le fait que les femmes aient une tendance « naturelle » à avoir des pratiques protectrices et régénératrices envers l’environnement. L’implication croissante des femmes en matière d’environnement ainsi que l’efficience de leurs idées et de leurs actions amènent donc à penser qu’il est grand temps de laisser place à un leadership plus féminin.
À la fin de cette journée de négociations, quelques mesures ont d’ores et déjà été posées sur la table. Le Canada s’est engagé à veiller à ce que 80 % de ses investissements climat de 5,3 milliards de dollars sur les cinq ans à venir ciblent des résultats en matière d’égalité des genres. La Suède va prendre de nouvelles mesures pour ancrer fermement cette égalité dans l’ensemble de son action climatique. Les Etats-Unis ont, eux, promis des investissements (3 millions de dollars) pour aider les agricultrices d’Afrique de l’Est à s’adapter aux impacts du réchauffement de nouveaux financements (14 millions) pour faire progresser le leadership des femmes dans l’action climatique. Des engagements essentiels qui se doivent d’être tenus car selon le cabinet de conseil, les entreprises et les gouvernements ne pourront pas réussir leur transition « sans une intégration totale des talents féminins ».