Par Mathilde Boucher
Pour le 4ème jour de négociation, la transition énergétique sera à l’honneur. Une épreuve de force se dessine au sommet sur le climat de Glasgow autour de la vitesse souhaitable et réalisable de la transition vers les énergies vertes (éolienne, solaire, biomasse, hydraulique) et la fin des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon)
L’humanité rejette actuellement 51 milliards de tonnes de gaz à effets de serre (GES) dans l’atmosphère. Pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2 degrés celsius, ce nombre doit passer à zéro d’ici 2050. Selon le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), cet objectif sera atteignable si et seulement si, les émissions de GES sont réduites de 40 à 70% d’ici 2050 et disparaissent d’ici 2100.
À l’origine, ces gaz permettent de maintenir la température terrestre à 15 degrés celsius et de permettre la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mais l’augmentation progressive de leur concentration dans l’air a engendré un réchauffement climatique mondial. Après le Protocole de Kyoto engageant les 186 pays signataires à réduire leurs émissions d’au moins 5% et les Accords de Paris adopté par 194 pays et visant à limiter l’augmentation de la température moyenne en dessous de 2 degrés, c’est au tour de de la COP 26 de mettre en place une stratégie unilatérale sur le long-terme.
Nucléaire, renouvelable ou les deux ?
À la une des préoccupations de la COP 26 : la transition énergétique. Aujourd’hui la production d’électricité représente 26% des émissions de GES, soit la part la plus polluante. L’élimination progressive de la production d’électricité à partir du charbon et l’arrêt de la construction de nouvelles centrales sont la priorité. Ces deux projets majeurs proposés ce jeudi ont d’ores et déjà été signés par 80 pays mais les géants de l’industrie comme la Chine ou l’Inde manquent à l’appel. L’arrêt du recours au charbon, dont les gaz à effet de serre sont les principaux responsables du changement climatique, est vital pour atteindre les objectifs de limitation du réchauffement fixés au niveau mondial.
Deux alternatives plus respectueuses de l’environnement sont également en phase de discussion : le nucléaire et le renouvelable. Seulement elles aussi font débat. Le nucléaire est vu par ses partisans comme le meilleur moyen de ne pas émettre de gaz à effet de serre (12g de CO2 par Kwh précise le GIEC), en attendant d’avoir du solaire, de l’éolien et de la biomasse en plus grande quantité. Ses détracteurs quant à eux, prônent le caractère non sécuritaire des centrales (Fukushima 2011, Tchernobyl 1986) et la question des déchets qui ne se dissolvent pas dans la nature, même à long terme.
Pour ce qui est des énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, elles sont également par nature très peu émettrices de CO2 (éolien : 11g de CO2 par Kwh, photovoltaïque : 41g de CO2 par Kwh). En revanche, elles dépendent des conditions météorologiques et de la typologie géographique des pays qui les exploitent. Si le taux d’ensoleillement ou la puissance des vents sont trop faibles, la production d’électricité s’arrête. Ce caractère intermittent réduit fortement leur capacité à se substituer complètement au nucléaire qui, lui, est pilotable, facilement transportable et stockable.
Selon Jean-Marc Jancovici, ingénieur consultant en énergie/ climat, enseignant à Mines Paristech et fondateur de The shift project, l’un ne va pas sans l’autre. “Si nous voulons conserver la partie la plus importante possible de notre confort « moderne » tout en luttant contre le dérèglement climatique, le nucléaire apporte cela en complément des énergies renouvelables, dont le domaine de prédilection est plus la chaleur (carburants, industrie, chauffage) que l’électricité”, explique-t-il. Une opinion également dépeinte dans le rapport du GIEC de 2018 qui affirme que l’augmentation de l’énergie nucléaire est nécessaire dans les quatre trajectoires illustratives qui limitent le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Un affrontement entre écologie et intérêts économiques
Si cette transition apparaît comme essentielle, elle ne fait pas l’unanimité et les négociations s’annoncent compliquées à Glasgow. De nombreuses économies reposent sur l’emploi du charbon mais également d’autres énergies fossiles comme le pétrole ou le gaz naturel. Interdire leur production pourrait donc être très handicapant pour certains pays qui en dépendent financièrement. C’est le cas de l’Arabie saoudite (premier exportateur mondial de pétrole) et l’Australie (premier exportateur mondial de charbon) qui argumentent leur position en mettant en avant l’idée qu’une telle transition rapide n’est pas souhaitable.
Ajoutons-y des points de vue plus nuancés, et peut-être plus hypocrites, provenant de pays comme la Chine, à la fois productrice et importatrice de charbon, le Japon qui n’en produit plus, mais en importe énormément ou la Norvège qui est à la fois exemplaire pour l’hydroélectricité et grande productrice de pétrole. Tous défendent cette technologie en expliquant qu’ils sont obligés de maintenir les énergies fossiles pour un moment, l’objectif à terme restant de les abolir.
Des points de vue controversés, qui s’expliquent notamment par le fait que ces pays défendent en premier lieu, leurs intérêts, leurs industries et leurs sources de devises. Une chose est sûre, la décarbonation de la production énergétique est obligatoire. « Elle peut passer par de multiples moyens : le renouvelable, la capture et la séquestration de carbone ou encore le nucléaire le tout étant de regarder le problème dans sa complexité, aucune de ces solutions n’est parfaite. » conclut Henri Weisman, chercheur senior au sein du programme Climat, chargé des activités sur les trajectoires de développement bas carbone à long-terme.