Par Mathilde Boucher
Mobiliser l’univers financier est l’un des principaux enjeux de la COP 26. Ce mercredi, acteurs et négociateurs mettaient la lumière sur son rôle à jouer dans l’équation. S’il apparaît comme allié indispensable de la transition écologique, il faut néanmoins le transformer : une orientation vers un système financier plus
respectueux de l’environnement s’impose.
Une solution émergente : la finance verte.
6.900 milliards de dollars. C’est le chiffre représentant les investissements et les financements mondiaux qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Afin d’y parvenir, la finance traditionnelle va devoir opter pour un mode de fonctionnement plus éco-responsable : la finance verte.
Dans le prolongement de la finance, qui correspond à l’activité des acteurs économiques en matière d’investissement, la finance verte a pour but d’encourager les opérations financières qui favorisent la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Sa stratégie s’articule autour de quatre axes principaux : le financement de la transition énergétique, la sponsorisation des outils retardant le changement climatique, le verrouillage des financements envers les projets très énergivores ou détruisant les écosystèmes et la sortie de la logique court-termiste des investissements financiers.
Plus qu’un allié, la finance apparaît comme un pilier de la transition énergétique. “En raison du montant important de ressources financières qu’il gère, il peut participer activement à l’orientation des investissements vers des projets favorisant la transition énergétique”, affirme la Banque de France dans une note. Décarboner l’industrie, développer les énergies renouvelables, rénover les logements, électrifier l’automobile, repenser l’agriculture… des projets essentiels mais coûteux.
Le rôle fondamental de la finance verte s’articule autour de trois axes : le financement de la biodiversité, la transition énergétique et la sponsorisation des outils retardant le changement climatique. Le verrouillage des financements envers les projets très énergivores ou détruisant des écosystèmes. La modification de la logique des investissements financiers. “Les investisseurs et les banquiers sont dans une logique de rentabilité à court terme. S’ils ne sortent pas de cette logique-là, ils ne seront pas en mesure de contribuer au financement de la transition écologique et en particulier de la lutte contre le réchauffement climatique”, affirme Dominique Plihon, économiste français et militant altermondialiste.
Afin de répondre aux enjeux de la finance verte, de nombreux acteurs doivent se mobiliser. Investisseurs institutionnels, banques, régulateurs, banques centrales, assureurs, agences de notation, États, organisations multilatérales, tous ont leur rôle à jouer dans l’établissement de cette économie durable.
Certains outils comme les obligations vertes – « green bonds » en anglais – sont également indispensables et constituent l’un des principaux instruments de la finance responsable. Il s’agit d’un titre de dette émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique auprès d’investisseurs pour lui permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique. Constat d’une forte prise de conscience, le marché des green bonds ne cesse de prendre de l’ampleur passant 42 milliards de dollars en 2015, à 255 en 2019 selon Climate Bond Initiative.
La finance verte, un verdissement de façade ?
Bien qu’elles ne cessent de croître depuis les 5 dernières années, ces obligations restent insuffisantes. « Nous n’arriverons pas à un objectif de neutralité carbone en gardant la finance verte dans une niche, il faut que l’intégralité de l’économie réalise la transition écologique », explique Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre et parrain de la COP 26.
De plus, les risques de greenwashing, intentionnels ou non, sont nombreux pour les acteurs de marché. À l’heure actuelle, aucune règle internationale existe pour définir le degré de « green » d’un projet. Si certains labels permettent de classifier les investissements verts tels que les Green Bonds Principles (GBP), 75% des obligations vertes en sont dépourvues. Les caractéristiques réelles de durabilité n’étant pas définies, de nombreux acteurs prônent “faire du vert” sans pour autant le prouver concrètement.
Au-delà de cette possibilité d’écoblanchiment, certains acteurs du monde de la finance auraient un double discours. Selon l’ONG Oxfam – mouvement mondial de personnes qui luttent ensemble contre les inégalités et l’injustice de la pauvreté – c’est le cas des quatre plus grandes banques françaises dont l’intensité carbone de leur portefeuille a augmenté de 2% entre 2017 et 2020. Un chiffre faible mais qui reste à la hausse et qui prend à rebours les engagements du secteur bancaire.
Pour Alexandre Poidatz, porte-parole d’Oxfam France. “La finance représente autant un danger qu’une opportunité pour la planète”. Le secteur semble bloqué entre promesse et impératif de rentabilité et un consensus mondial autour de la question tarde à être trouvé.
D’ailleurs, signe de la difficulté de parvenir à des actions communes dans la lutte contre le changement climatique, de gros pollueurs comme la Chine ou la Russie manquaient à l’appel de cette première journée de négociations, entièrement dédiée à l’intégration de la finance dans la problématique climatique.